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Dire que l'homme est un composé de force et de faiblesse, de lumière et d'aveuglement, de petitesse et de grandeur, ce n est pas lui faire son procès, c’est le définir.
Diderot.
Haïfa, 10 juin 1925
Nul n'a jamais vu personne écrire de la poésie pour devenir riche. Soliman Shahid ne faisait donc pas exception. Il avait rédigé quelques vers en secret, quasi clandestinement. Par amour. Elle s'appelait Heidi, elle avait dix-huit ans, des joues mouchetées de taches de rousseur, pas très belle, mais grassouillette, allemande, protestante et, comme le reste de sa famille, elle appartenait à un mouvement d'évangélistes qui se faisait appeler : les « chrétiens sionistes », mouvement qui plaidait pour le retour des Juifs en Terre sainte.
C'était la première fois que Soliman entendait parler de « chrétiens sionistes », et la définition même l'avait quelque peu déconcerté. D'après ce qu'on lui avait enseigné, les Juifs ayant crucifié le prophète Jésus, il était inconcevable que ses adeptes puissent être à la fois chrétiens et... sionistes. Mais Heidi lui avait alors expliqué qu’il ne s’agissait pas de sympathie à l’égard des Juifs qui, selon elle et ses parents, n’étaient pas de misérables déicides, mais de l’accomplissement de la prophétie biblique.
– Prophétie ?
Heidi s'était lancée dans une explication qui avait tourneboulé l'esprit du jeune homme plusieurs jours durant
– Voilà, avait déclaré l'Allemande. Il faut absolument que nous mettions tout en œuvre pour que les Juifs reviennent sur la Terre promise, car leur retour signifierait que la fin du monde est proche.
– La fin du monde ? Vous espérez la fin du monde ?
– L'avènement du Christ, Notre Seigneur. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Alors les sacrifices rituels reprendront dans le Temple reconstruit et Jésus pourra enfin revenir dans toute sa gloire, au milieu de tout le peuple chrétien. Les non-croyants et les apostats, eux, resteront sur terre.
– Les musulmans aussi ?
Heidi avait hésité.
– Heu... oui.
– Ah ! Et ensuite ?
– Ensuite, la terre connaîtra sept années de catastrophes. Des forces sataniques conduites par l'Antéchrist la ravageront. Mais le diable sera combattu par tout le peuple Juif converti au christianisme qui évangélisera également les non-croyants et les apostats.
– Et les musulmans, donc.
Heidi avait de nouveau hésité.
– Oui. Ensemble, tous affronteront les forces du mail au cours de la grande bataille d’Armaggedon et Jésus pourra enfin instaurer le royaume messianique. Tu as compris ?
En vérité, tout ce qu’il avait saisi, c’est que des chrétiens soutenaient les Juifs et Israël dans le seul but de convertir les deux autres religions au christianisme. Vraiment, quelque chose ne tournait pas rond dans la tête du monde. Privé de réaction, il s'était contenté d'emprisonner les fesses de Heidi et, l'attirant contre lui, il avait chuchoté : « Viens. »
– À quoi rêves-tu ?
Arraché à ses pensées, Soliman pivota vers Mourad.
– Je ne rêve pas. Je travaille.
– Tu travailles ? En fixant le paysage, assis sur le perron ?
– Quand un poète réfléchit, figure-toi qu'il travaille. Tu ne peux pas comprendre ; surtout depuis ton retour d'Égypte et maintenant que tu es devenu un homme d'affaires.
Il avait prononcé ces derniers mots en y mettant une pointe d'ironie.
Mourad haussa les épaules. Voilà bientôt trois ans que, son diplôme de droit en poche, il était revenu vivre à Haïfa avec Mona et leur fils Karim. Ils s'étaient installés dans une maison que Mourad avait tenu à acheter avec ses propres deniers, non loin de la demeure familiale. Comme il fallait s'y attendre, le départ du Caire ne s'était pas fait sans douleurs. Amira Loutfi avait versé des torrents de larmes en apprenant que sa fille adorée, sa petite (vingt-deux ans tout de même) acceptait de suivre son époux en Palestine, et Mona sanglotait tout autant à l'idée de se séparer pour la première fois de ses parents, de sa terre natale et de la ferme de Tantah, son paradis.
Farid Loutfi bey avait tout tenté pour retenir son gendre en Égypte. Il serait président-directeur général de la Hosni Cotton Trading Co. Ltd. Il lui offrirait une Wolseley, le dernier modèle, une villa à Alexandrie. Mourad n'avait pas flanché.
– Non. Ma décision est prise depuis longtemps. Je me dois de retourner là-bas.
Alors, la mort dans l'âme, son beau-père s'était résigné et, allez savoir pourquoi, avait offert à son gendre cinq costumes et autant de chemises du meilleur faiseur, ainsi qu'une douzaine de cravates. Quant à Amira Loutfi, elle avait glissé dans sa valise un flacon d'Eau de Cologne impériale Jean-Marie Farina. Comme Mourad s'étonnait de ce choix, Amira lui avait soufflé à l'oreille : « C'est l'eau de Cologne que Loutfi met depuis des années. Ainsi, quand tu t'en parfumeras, Mona aura l'impression d'être dans les bras de son papa. » Mourad avait trouvé l'explication pour le moins singulière, mais s'était gardé de la discuter.
En embarquant à Alexandrie, un matin de septembre 1922, il n’avait pu s'empêcher d'éprouver un petit serrement de cœur. La Palestine était son pays, mais il s'était attaché à l’Égypte, à ases habitants, et fait siennes leurs aspirations. Au cours de ces trois dernières années, peu de choses avaient vraiment changé, si ce n'est que, sous la pression de la rue et des manifestations quotidiennes, l'Angleterre avait fini par renoncer au protectorat imposé à l'Égypte, tout en se réservant le droit de contrôler quatre de ses artères : ses lignes de communication avec l'Empire, la défense militaire du pays, la protection des étrangers et des minorités et le contrôle intégral du Soudan, pourtant partie de l'Égypte. En termes clairs, comme on les pratiquait chez El-Fishawi, le grand café du Khan Khalîl, le pays restait occupé par les troupes britanniques et le haut-commissariat, nommé depuis peu premier vicomte d'Allenby de Megiddo et de Felixstowe, continuait de détenir plus de pouvoir que le sultan Fouad. Un sultan Fouad qui, depuis le 13 mars 1922, avait troqué son titre contre celui de roi. Belle promotion ! Trois ans et dix-sept jours plus tard, le 30 mars 1925, lassés de subir des émeutes, Allenby avait décidé de libérer Zaghloul et l'autoriser à rentrer en Égypte. Entre-temps, on avait transféré le pauvre homme des Seychelles à Gibraltar ou – selon les médecins compassionnés de Sa Majesté – le climat était plus propice à sa santé déclinante. Dès que la nouvelle de son retour fut connue, une explosion de liesse secoua le pays. À l'exaspération des Anglais, même les trains qui revenaient d'Assouan arboraient de petits drapeaux verts frappés d'un croissant blanc aux trois étoiles, emblème du Wafd, le parti du nationaliste.
Il n'en demeurait pas moins que les Anglais continuaient d'occuper l'Égypte et ne semblaient pas décidés à la quitter de sitôt.
Comme disait Taymour, on ne pouvait qu’espérer que les prostituées outrageusement peintes de la rue Clot-bey contaminassent leurs clients britanniques, les Tommies, avec toutes les maladies vénériennes de la terre.
Maintenant que tu es devenu un homme d’affaires, venait d'ironiser Soliman. Son frère cadet n'avait pas tort. Mais Mourad avait-il eu le choix ? En revenant à Haïfa, il avait pris place tout naturellement aux côtés de son père à la direction de Shipshandlers and son, consacrant toute son énergie à résister à la concurrence de plus en plus sévère de leur rival direct : Brohnson Shipshandlers.
Mourad avait découvert une Palestine plus bouleversée que je jour où il l'avait quittée. Au cours des dernières années, la tension n'avait fait que croître entre les communautés juives et arabes, tandis que les grands de ce monde discutaillaient de l'avenir de l'une et de l'autre à la Société des Nations. Le Vatican soutenait les revendications palestiniennes du bout des lèvres, la France campait sur sa réserve, Londres persistait dans son attitude. Herbert Samuel n'avait-il pas déclaré en septembre 1923 : « Le gouvernement de Sa Majesté s'est livré à une étude approfondie de la question de l'administration de la Palestine. À la suite de cette étude, il a pris certaines décisions très nettes. La Déclaration Balfour a été acceptée par tous les Alliés, y compris les États-Unis, approuvée à l'unanimité par les deux chambres. Elle fait partie intégrante du mandat qui a été définitivement ratifié par la Société des Nations. Le gouvernement considère qu'il ne saurait être question de la répudier. » Et le haut-commissaire d'asséner : « La Palestine reste jusqu'à nouvel ordre sous le régime d'une colonie de la Couronne d'Angleterre. »
– Puis-je me joindre aux hommes ?
Samia venait de retrouver ses frères sur le perron.
Resplendissante, la petite fille était devenue une femme de vingt ans aux charmes envoûtants.
– De quoi parliez-vous ?
– D'affaires et de poésie, ironisa Soliman.
Mourad fit observer :
– Ton frère me reproche d'être devenu un business man. En adulte responsable, il pense sûrement que nous pourrions vivre de ses poèmes.
– Oh ! C'est un rêveur. Et un provocateur.
Elle ébouriffa affectueusement la chevelure de Soliman autant :
– N'est-ce pas, habibi ?
– Provocateur, rêveur ? Ces qualificatifs te conviendraient mieux qu'à moi.
La jeune fille sourcilla.
– Oui, reprit Soliman. Tu as eu vingt ans le mois passé et tu refuses toujours de te marier. N'est-ce pas de la provocation ?
– Me marier ? Mais avec qui ? Avec Mahmoud, notre voisin ? Il est tellement bête que même les ânes l’évitent quand ils l'aperçoivent. Avec ce patapouf de Obeïd ? Notre lit de noce s écroulerait sous son poids ! Avec...
– Allons, allons, protesta Mourad. Dis plutôt que tu n’as aucune envie de prendre un mari, c'est tout.
– Faux ! Mais tout le monde n'a pas ta chance. Tu es tombée sur une perle. Tu sais ce que raconte Mariam, ma copine ? Elle dit que le mariage, c'est comme les melons : un sur dix tient ses promesses. Alors, j'attends de trouver le bon.
Soliman ricana.
– Tu risques d'attendre longtemps, ma chère, et, entre-temps, papa et maman mourront de désespoir.
– Pense plutôt à toi, tu veux bien ? Je me marierai bien avant que tes poésies ne soient éditées !
Elle adopta un air hautain et entra dans la maison.
*
Paris, 21 juillet 1925
Dépouillant les dépêches du jour, Jean-François Levent crispa la mâchoire. Sa secrétaire, Marie Weil, l'interrogea de ses yeux gris. Il brandit un télégramme.
– Et maintenant, la Syrie qui plonge en pleine insurrection. Gouraud n'est plus aux commandes, il a été rapatrié à Paris définitivement et remplacé par un fou furieux : le général Maurice Sarrail, à qui on adjoint Gamelin pour pacifier la région. Pacifier ! Vous m'entendez, mademoiselle ? Pacifier à coups de canon !
Il pensa à part soi : Dounia... Si la guerre civile éclatait, qu'allait-elle devenir ? La dernière fois qu'ils s'étaient vus, remontait à six mois. Depuis, ils avaient dû échanger quelques dizaines de lettres sans que jamais il parvienne à la convaincre de l'épouser. Elle l'aimait, mais pas au point de vouloir partager le même toit que lui.
En août 1924, elle avait accepté de venir passer l'été à Paris. Bonheur fou. Embrasement hélas retombé une fois qu’elle fut repartie.
Il alluma fébrilement une cigarette.
— Vous comprenez, mademoiselle, s'il n'y avait que cela ! Le grand protégé de ce couillon de colonel Lawrence, le chérif de La Mecque, a été jeté hors d'Arabie par son vieux rival, Ibn Séoud. Exilé, le chérif ! Viré ! À l'heure où nous parlons, il compte et recompte les grains de son chapelet sur les rivages chypriotes ! L'Arabie est désormais entre les mains des wahhabites. Vous, mademoiselle, vous ne savez pas ce que sont les wahhabites. Ce sont des musulmans rétrogrades, fanatiques et sectaires. De grands désaxés ! Chapeau bas, Mister Lawrence !
Dans le décor somptueux, compassé du Quai d'Orsay, les propos du diplomate prenaient des accents barbares
Mlle Weil, elle, semblait rapetisser à mesure que Levent parlait. La voilà accablée de peuples qu'elle n'avait jamais vus et dont elle ne savait pas grand-chose : le plus loin qu’elle fut jamais allée était Trouville, pour ses congés estivaux.
– Ces Anglais sont fous, poursuivit Jean-François, du même ton enflammé. Vous...
Il s'interrompit, surpris par l'expression de sa secrétaire ; elle regardait la porte. Il se retourna : le ministre Aristide Briand se tenait dans l'embrasure. Voilà à peine huit jours qu'il était revenu aux Affaires étrangères. Apparemment, il n'avait rien raté de la tirade de son secrétaire aux Affaires d'Orient.
– Monsieur le ministre... Pardonnez-moi, je ne m'étais pas avisé...
– Continuez, je vous prie.
– Ces dépêches, monsieur le ministre. Une véritable guerre civile s'est enclenchée en Palestine. Hier, il y a eu de massacres de Juifs à Hébron, à Safed, dans d'autres localités. Cent treize Juifs ont été tués, trois cent trente blessés, et on ne sait encore combien d'Arabes.
Briand hocha la tête. Depuis qu'il avait repris ses fonctions, il prenait chaque jour la mesure de la tâche immense qui incombait à son ministère.
– Poursuivez...
– Avez-vous lu le rapport de M. Gaston Maugras, notre consul à Jérusalem ?
Le ministre croisa les bras dans l'attente de la suite.
Jean-François saisit un dossier, en extirpa un feuillet et le tendit à Briand, qui le repoussa aimablement.
– Je n'ai pas mes lunettes. Lisez, je vous prie.
– Monsieur Maugras écrit : « Au cours d'une conversation de fumoir, sir Gilbert Clayton, le haut-commissaire britannique par intérim, avec qui j'entretiens depuis plusieurs années des relations amicales, m'a parlé à bâtons rompus de la politique anglaise en Palestine. Quand j'ai assumé l'année dernière pour la première fois mes fonctions, m'a-t-il dit, je me suis amusé à écrire au Colonial Office pour lui demander quelle était sa politique en Palestine, dans quel sens je devais gouverner. Je n'ai jamais reçu de réponse, et pour cause. On ne peut pas définir sa politique quand on n'en a pas. Nous vivons au jour le jour, sans prévision, en tâchant seulement de louvoyer entre les écueils à mesure qu'ils se présentent. Mais où allons-nous ? Nul ne le sait. Les Juifs nous reprochent de favoriser les ambitions arabes, les Arabes protestent contre le Foyer juif que nous avons créé en Palestine, et bien des gens, devant le mystère de cette double politique, se demandent de quel dessein machiavélique nous poursuivons la réalisation. En vérité, ce n'est pas l'avenir qui nous attire, c'est le passé qui nous pousse, nous ne marchons pas vers un destin de notre choix, nous subissons celui dont la guerre nous a laissé l'héritage. Pendant la guerre, nous avons fait des promesses aux Juifs, nous en avons fait aux Arabes, nous avons éveillé des ambitions contradictoires auxquelles nous sommes tenus de donner quelque satisfaction et qui nous enserrent dans un réseau de complications et de difficultés. »
Levent s'arrêta pour s'enquérir :
– Je continue ?
– Faites donc.
– C'est toujours sir Gilbert Clayton qui s'exprime : « Le malheur, c'est l'existence à Londres de deux sortes de gens : les uns sont des théoriciens, obstinés à appliquer aux tribus bédouines, comme aux nations occidentales, leurs formules sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ; les autres, comme l'apprenti sorcier de la légende, ont peur maintenant du fantôme d'Empire arabe qu'ils ont suscité. D'ailleurs, il faut bien reconnaître que toute politique d'ingérence dans les affaires de peuples étrangers, si arriérés soient-ils, se heurte aujourd'hui aux plus graves difficultés. Nous avons enseigné aux indigènes le jargon des libertés politiques, ils s'en servent contre nous et chez nous-mêmes. J'ai l'impression que la politique coloniale – de quelque nom qu'on la décore – est chose périmée et en train de disparaître. Aussi, suis-je bien convaincu que nous évacuerions la Palestine et ses champs de cailloux, que nous abandonnerions à elle-même sa population famélique et querelleuse, si nous le pouvions. Mais nous sommes prisonniers de notre Déclaration Balfour. Les Juifs tiennent notre gouvernement à la gorge et ne le lâcheront pas. En ce qui me concerne, a ajouté sir Gilbert Clayton, je suis décidé à vider les lieux en avril prochain et à rentrer dans la vie privée. J'en ai assez[78]. »
Levent se tut à nouveau et observa son ministre de tutelle dans l'attente d'une réaction. Après un long temps de silence, celui-ci déclara :
— Rédigez-moi donc un mémoire, je vous prie. Exprimez vos craintes, sans détour. Je le lirai et si je l'approuve, je le communiquerai à l'ambassadeur d'Angleterre à l'intention de son ministre. Mais je ne vous cache pas que je n'attends pas de résultats de sitôt. La politique orientale des Anglais est comme un paquebot lancé à toute vitesse. Elle ne s'arrêtera pas en un jour.
– Je vous l'accorde, monsieur le ministre, mais pour ce qui est de la situation en Syrie, c'est notre propre paquebot qu'il nous faudrait freiner. Les dernières nouvelles sont extrêmement alarmantes. Le...
– C'est urgent, intervint timidement Mlle Weil en tendant un câblogramme à Jean-François. Ce dernier le parcourut et leva les yeux vers Briand.
– C'est bien ce que je craignais.
– Parlez donc !
– La révolution syrienne a commencé.
– Mais encore ?
– Des insurgés, commandés par un certain sultan El-Atrach, se sont soulevés dans le Djebel el-Druze[79] L'insurrection se propage à Damas, Qalamoun, Hama, le Golan et dans le sud-est du Liban. La Syrie est en feu.
Le ministre hocha la tête avec componction.
– Hélas, le sort du monde est d'aller toujours mal. Cela a commencé avec le départ d'Adam et Ève du Paradis.
Jean-François Levent hocha la tête. Courtoisement. Il n'était, à tout prendre, qu'un fonctionnaire face à un homme politique de stature internationale. Mais ça ne changeait rien à la réalité dont il était cruellement conscient.
– Je vais réunir le Cabinet, enchaîna Aristide Briand. Nous jugerons des décisions à prendre. Vous partirez ensuite pour Damas rencontrer le remplaçant de Gouraud, le général Maurice Sarrail.
Levent acquiesça. Les mots que Dounia avait prononcés un jour à Alep lui revinrent en mémoire : « Je suis convaincue que nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, tôt ou tard, nous mourrons ensemble comme des idiots. »